Quatre ans après Jouer dehors, la chanteuse revient avec Hungry Dirty Baby. Un album punk-rock balancé à l’instinct, autoproduit et entièrement interprété en anglais. Une première et une réussite pour Mademoiselle K, qui à la Cigale fin janvier promet un concert brûlant.
Katerine Gierak, alias Mademoiselle K, est une fille au talent hors norme. Non seulement elle est l’une de nos rares rockeuses, mais elle est aussi une artiste qui sait se remettre en question.
Pour mieux se renouveler. Elle qui avait pour habitude de chanter en français depuis son premier album, Ça me vexe, en 2006, change d’univers et revient avec Hungry Dirty Baby, un album entièrement en anglais. Une petite révolution et un choix esthétique qui s’accompagne d’un désir de se réinventer en donnant une nouvelle couleur musicale à son répertoire. « C’est comme un nouvel instrument pour mes chansons, confie-t-elle. J’ai eu une volonté très forte de changement après trois albums en français.
Je me voyais un peu encroûtée dans ma case Mademoiselle K, la fille qui fait du rock en français. Je me sentais rouillée et j’avais l’impression d’avoir pris dix ans. »
Le genre, l’identité, la relation à l’autre ou la violence des sentiments
Elle est alors partie à New York, où elle s’est inscrite dans une école d’anglais pour perfectionner son apprentissage de la langue. Un séjour qui l’a reboostée : « Je n’étais jamais allée dans cette ville. J’étais en terrain anglo-saxon, ce dont je rêvais depuis des années. Ensuite, je suis partie à Londres pour travailler ma prononciation. »
Une initiative qui n’a pas été du goût de son ancienne maison de disques, EMI, qui n’a pas voulu la suivre dans sa nouvelle approche artistique. « Cela faisait des mois que je leur disais que mon album serait en anglais. EMI étant devenu Warner, il y a eu un nouveau boss.
Ils m’ont fait comprendre que ce serait une erreur de sortir des chansons en anglais et que j’allais perdre mon public. » La création de son propre label, Kravache, aura donné un coup de fouet à ses rêves de musique et permis, grâce à une aide de l’Adami, de sortir un album autoproduit : « Chaque disque est un épanouissement en soi, souligne Mademoiselle K, mais il est certain que celui-ci est plus fort encore parce qu’il est marqué par plus d’embûches et d’obstacles qu’il a fallu surmonter. Finalement, en l’autoproduisant, j’ai pris le plus gros risque de ma vie. C’est dur financièrement, un combat de tous les jours. »
Hungry Dirty Baby s’inscrit dans une brit-attitude rebelle qui lui va bien. Un disque rock et punk balancé à l’instinct de manière convulsive, à l’image des clips de l’album Glory ou RU Swimming : « Je me sens bien dans le rock anglais », dit la chanteuse qui a toujours revendiqué des influences brit-pop, de Portishead à David Bowie, The Clash, The Cure ou Radiohead. Pour la pochette, elle a tenu à poser torse nu, bras croisés sur la poitrine avec une croix : « Une photo faite en plein jour au cimetière du Père-Lachaise, entre deux groupes de touristes, sourit-elle.
C’était durant la période du débat sur le mariage pour tous. J’ai été choquée par les manifestations de haine, les intégrismes qui pullulaient. Je trouvais d’autant plus fort de poser avec une croix au moment où certains défilaient et se servaient de la croix pour attiser leur haine. » Dans ses nouvelles chansons, la rockeuse androgyne aborde le thème du genre, de l’identité, de la relation à l’autre ou de la violence des sentiments comme dans le titre générique de l’opus : « C’est un morceau punk, mais aussi une chanson romantique qui évoque le sentiment de manque de quelqu’un, le désir.
Il y a une esthétique grunge avec une espèce de fantasme de la saleté associé à un truc très sexuel. J’avais envie de quelque chose de sale. J’avais en tête des peintres comme Bacon ou Lucian Freud. » Une vision rock originale et personnelle qui est une façon de bousculer nos habitudes d’écoute et de créer des émotions fortes : « C’est le fameux débat sur l’art. Est-il fait pour être beau ou pour interpeler ? Au moment de la libération sexuelle, on a beaucoup fait ça, se balader à poil, le corps peint. J’aime ce rapport de la peau et de la peinture. »
Un rapport à la musique et à l’art, synonyme de body-painting, que Mademoiselle K entend pousser jusque sur scène : « Sur les premiers concerts, j’ai fait plein d’essais, je me suis peint le visage, puis le corps. Mon fantasme absolu est d’aller torse nu sur scène, non pour choquer les gens, mais parce que j’aime ça. Mon guitariste, quand il a chaud, il enlève son tee-shirt. Pourquoi je ne le ferais pas ? Est-on prêt à ce qu’une femme soit à égalité avec un homme ? Je trouve ça cool de se balader torse nu. C’est une liberté. »